Thursday, October 12, 2017

Homélie du dimanche, 1 octobre 2017

26ème dimanche du temps ordinaire

Lectures du jour: Ézékiel 18, 25-28; Psaume 24(25), 4-5ab, 6-7, 8-9; Philippiens 2, 1-11; Matthieu 21, 28-32

« Quel est votre avis » ?

Jésus nous pose cette question au début de notre Évangile d’aujourd’hui. Il raconte alors une courte parabole de « deux fils » d’un vigneron, l’un qui désobéit à son père quand il lui demande d’aller travailler dans son vignoble mais qui se repentit et qui va y travailler, et l’autre qui se met d’accord d’aller travailler dans le vignoble mais qui n’y va pas. « Quel est votre avis », Jésus demande « aux grands prêtres et aux anciens du peuple », « lequel des deux (fils) a fait la volonté de son père » ?

Alors comment répondrait-on à cette question de Jésus, surtout si l’on n’avait jamais entendu ou lu cette parabole avant ? (Je ne veux pas qu’on me réponde à voix haute. Je ne veux faire honte à personne ici, mais j’aimerais qu’on y pense.) Comment répondrait-on à Jésus si l’on était à la place des « grands prêtres et (des) anciens du peuple » de cet époque ? Là, si l’on pose la question de cette manière ; si l’on se demande de personnaliser la question, ça devient plus difficile pour nous à y répondre. On ne peut plus alors nous séparer dans l’histoire des chefs religieux de l’époque de Jésus. On ne peut plus se dire, « eh, bien, les chefs religieux de l’époque de Jésus ont répondu que le premier fils avait fait la volonté du père et le deuxième fils non, et Jésus leur a dit qu’ils s’étaient condamnés, alors la réponse juste doit être que le deuxième fils est celui qui a fait la volonté du père ».

Si seulement c’était aussi simple que ça de comprendre cette parabole, ce qui fait que c’est une bonne parabole ! Si j’étais à la place des chefs religieux de l’époque de Jésus auxquels Jésus avait posé cette question, je me demande si je n’y aurais pas répondu de la même manière que « les grands prêtres et (les) anciens du peuple » qu’à mon avis le premier fils avait « fait la volonté du père » et non le deuxième. En revanche, peut-être j’aurais été tenté de répondre que ni le premier, ni le deuxième fils avait fait parfaitement « la volonté du père ». Le premier fils refuse de travailler dans le vignoble avant de se repentir et d’y aller, tandis que le deuxième, lui aussi, refuse d’y aller travailler, bien qu’il eût accepté d’y travailler. Lequel des deux fils a commis le plus grave péché ? Dieu met-il en valeur la pénitence après avoir eu tort, ou le fait que le premier fils s’était repenti et qu’il alla ensuite travailler dans le vignoble ? Si bien Dieu met en valeur surtout notre pénitence après avoir eu tort ou après avoir péché, jusqu’à quel point avons-nous la chance de se repentir, de convertir notre « non » au Père en un « oui », afin d’être sauvé ? (Il est surtout difficile de répondre à cette question. J’ai toujours aimé la réponse un peu comique souvent donnée à cette question par le cardinal archevêque actuel de Toronto, au Canada, qui dit qu’on a dès maintenant jusqu’à cinq minutes après qu’on meurt pour se repentir de nos péchés pour être sauvés ! Autrement dit, on ne peut pas connaître la réponse juste à cette question ; à ce mystère. Il est toujours mieux qu’on repentît aussitôt qu’on soit conscient d’avoir commis un péché ou d’avoir eu tort.)

La parabole de Jésus dans notre Évangile d’aujourd’hui n’est-t-elle pas d’ailleurs plus sur le sujet de la nature de Dieu, le Père vigneron de la parabole, que sur la qualité morale comparative des deux fils ? Pour mieux comprendre cette parabole des deux fils du vigneron, il serait peut-être utile si l’on le comprenait dans son contexte culturel d’origine. Comme tous les bons raconteurs d’histoires, Jésus nous précise les personnages clefs de son histoire : le vigneron, le premier fils du vigneron qui ne veut pas aller travailler « à la vigne » mais qui y va par après, et le deuxième fils qui accepte d’y aller travailler mais qui n’y va pas.

Les premières personnes à écouter cette parabole de Jésus, j’imagine, était presque tous des juifs assez fidèles. À cet époque en Israël, un bon juif connaitrait surement le style de conte ou de parabole qui commence avec deux fils ou deux frères. On peut penser à des épisodes bibliques de ce style : Jacob et Ésaü, Isaac et Ismaël, Joseph et ses frères. Ce genre d’épisode dans la Bible comprend presque toujours des thèmes de concurrence, de conflit, et de tension entre frères. Seulement l’un des frères peut avoir raison ; l’autre a tort, même si celui qui a tort n’est pas toujours celui qui gagne. (Sur ce point, on peut penser à Jacob, qui triche pour gagner l’héritage de son père Isaac, qui aurait dû appartenir à Ésaü).

Encore une fois, c’est le cas dans la parabole d’aujourd’hui : il n’y a qu’un des deux frères qui fait la volonté de son père, bien que tardivement. On peut ainsi éliminer comme réponse juste que d’une manière les deux fils avaient fait la volonté du père, et d’une autre manière ils avaient tous les deux failli de la faire. C’est le premier fils, qui se repentit et qui va finalement travailler dans le vignoble de son père, qui agit bien. Les « grands prêtres et les anciens du peuple » répondent bien alors à la question que Jésus leur pose : « lequel des deux (fils) a fait la volonté de son père » ?

Alors pourquoi entrainent-ils tout de même la condamnation de Jésus ? Comprenons-nous que Jésus ne condamne pas aux chefs religieux à cause de leur réponse à sa question, qui était juste. Il les condamne, ou bien ils se condamnent eux-mêmes, parce que leur manière de vivre ne correspondait pas à la réponse qu’ils avaient donné à la question de Jésus. Ils vivaient plus comme le deuxième fils, qui dit « oui » à la demande de son père d’aller travailler « à la vigne » mais qui n’y va pas, que comme le premier fils qui, à un moment qu’on ne peut pas connaître à partir de la parabole, se repentit d’avoir dit « non » à son père et va travailler « à la vigne ». En revanche, « les publicains et les prostituées », ceux et celles que la société de l’époque et ces chefs religieux avaient condamnés et marginalisés, qui sont plus comme le premier fils qui se repentit, entreront avant ces chefs religieux dans le royaume des cieux. Ces « publicains et… prostituées » avaient entendu le message de justice miséricordieux de Dieu à travers Jean le Baptiste et puis à travers Jésus, et ils se sont converti vers Dieu.

Jésus tient ces personnes condamnées, marginalisées par sa société, comme un exemple pour nous de comment agir ; de comment faire « la volonté du père ». Leur exemple que Jésus nous invite de suivre ne s’agit pas du fait que ces personnes marginalisées n’avaient jamais péché, mais du fait que, comme nous, ces personnes, sous la désignation de « publicains et… prostituées » étaient des pécheurs repentis, convertis, rachetés.

Par sa miséricorde, notre Dieu, Jésus semble nous dire, est presque infiniment patient avec les pécheurs qui connaissent leur besoin de se repentir ; leur besoin de la conversion. Cependant, la justice de Dieu nous exige que, quand on se compromet à faire « la volonté du Père », que nos promesses ne soient pas que des « paroles en l’air » qui ne signifient rien. Ceci, d’ailleurs, est un thème récurrent dans l’Évangile de St. Matthieu : Il est insuffisant de dire « Seigneur, Seigneur », je ferai la volonté de Dieu, sans la faire, ou bien sans se repentir quand on sait qu’on a failli la faire ; quand on sait avoir péché ; quand on sait avoir fait du tort.

Ici, dans cette célébration Eucharistique, on reconnaît la justice de Dieu qui nous exige la fidélité à notre promesse baptismale de faire la volonté de Dieu, de garder notre « dignité de fils (ou de fille) de Dieu intacte, pour la vie éternelle ». On reconnaît nos torts, nos péchés, notre besoin de conversion. Mais on reconnaît, dans cette même célébration la miséricorde de Dieu, ce qui fait que, comme notre lecture aujourd’hui d’Ézékiel nous suggère, Dieu n’est que « juste ». La justice de Dieu, bien plus que la justice humaine (ou toute justice qu’on puisse imaginer), dépend de la miséricorde de Dieu, et non sa miséricorde de sa justice.

On célèbre ce fait dans notre Eucharistie que la justice de Dieu est fondamentalement une justice miséricordieuse, une justice qui, avec une patience infinie, ne cesse pas de nous appeler à nous retourner vers Dieu et à nous éloigner du péché. On prie le « je confesse » au début de la Messe et le « je ne suis pas digne de te recevoir » vers la fin de la Messe non parce qu’on est mauvais, mais parce qu’on reconnaît et on répond généreusement par notre pénitence à la miséricorde de Dieu infatigable. C’est notre « oui » du premier fils après avoir dit « non », après avoir failli de faire la volonté de Dieu, peut-être plusieurs fois dans nos vies. Dieu célèbre notre « oui » et oublie nos reprises où nous lui avons dit « non », et Dieu demande à travers notre Eucharistie que nous aussi, nous célébrions notre « oui ».

Eh, bien, si j’ose le dire, on célèbre ici dans Retrouvaille, un processus de pardon, de conversion, de miséricorde, et d’amour, les mêmes réalités qu’on célèbre durant notre Messe. On célèbre notre « oui » énormément courageux à notre conjoint et à Dieu ce week-end qui se répétera au cours des prochains post-weekend et, j’espère, pendant toute vos vies ensemble. « Oui » au mariage, signe du règne de Dieu « sur la terre comme au ciel » ; « oui » au pardon, à la conversion, à la réconciliation, à l’amour, à notre fidélité à la volonté de Dieu ; « oui » à la miséricorde de Dieu qui nous rend tout cela possible ; « oui » comme le « oui » final du premier fils de notre Évangile ; « oui » au travail dans le vignoble de Dieu (et dans ce programme de Retrouvaille) qu’il nous reste à faire. Ce sont ces « oui » qu’on reconnaît ici et qu’on célèbre maintenant avec grande joie.

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